Eric Clapton…, Ritchie Blackmore…, Jimmy Page…, David Gilmour…, Jimi Hendrix… Existe-t-il un équivalent, dans la musique populaire moderne, à ces géants de la guitare des années 60 et 70? Le « guitar hero » – guitariste extrêmement doué, créatif, maitre de la mélodie et de l’émotion, qui marque également l’histoire de la musique par sa présence et son apport à la grattosphère – existe-il vraiment encore au sens que nous l’entendions il y a 30 ans?
Voilà un sujet délicat. Car, en 2013, la simple expression « guitar hero » est quasi péjorative : elle représente quelque chose de « ringard », de « kitsch »; l’image intrinsèque impliquée est désuète.Et les principaux responsables de cette situation, selon nous : les jeux vidéo de simulation musicale. Le concept même de guitariste virtuose a été corrompu par les jeux comme « Guitar Hero » et « Rock Band », qui mettent en vedette – et encensent en quelque sorte – le type de jeu « classic rock » à la guitare, le tricotage canonique, et cela principalement. Jamais ces jeux ne vous demanderont de vous attaquer à, disons, « When You Sleep » de My Bloody Valentine, « The Drowners » de Suede ou « How Soon Is Now? » des Smiths…
Le guitariste doué au XXIe siècle : héros sans « éclat »?
Un magazine musical britannique populaire a récemment demandé à ses lecteurs de voter sur son site afin de déterminer le « meilleur guitariste de tous les temps ». Et durant plusieurs jours, le meneur de la course a été Joshua Third (Hayward), guitariste du groupe de punk revival/shoegaze/rock alternatif The Horrors.
Sans vouloir dénigrer le talent de Josh qui, à 25 ans, est un guitariste talentueux et très imaginatif, ou mettre en doute le jugement des milliers de lecteurs du magazine en question, cette situation aura bien illustré le problème actuel… : le « guitar hero » flamboyant, inspirant; l’icône du « rock », le « héros » de la guitare ambulant n’est tout simplement plus à l’ère moderne.
Il se faut se rendre à l’évidence : bien qu’il soit un petit « magicien du son », un diplômé en physique que la science fascine – il bricole d’ailleurs ses propres pédales d’effets -, Hayward n’est définitivement pas une « bête de scène ». En interprétant « Count in Five » sur scène, il ne jouera jamais de son instrument en simulant le tir à la carabine, tel un Steve Harris moderne…; on ne verra jamais des flammes de 10 pieds s’échapper du manche de sa guitare tandis qu’il joue son solo dans « Sea Within a Sea », comme l’a fait Richard Kruspe du groupe Rammstein :
En concert, il n’a jamais convoqué en élevant les bras sa Ibanez Artcore pour la faire descendre des cieux, et ensuite s’adonner au « shred » de son instrument – comme ce guitariste exacerbé à la « quad-guitar » :
Manifestement, la vidéo précédente est dépassée – voir ridicule. Mais d’un autre côté, ne dégage-t-elle pas quelque chose de spécial, ne possède-t-elle pas un je-ne-sais-quoi manquant à la musique actuelle? Un esprit d’exubérance. Un caractère superflu, un effet de surabondance. On assiste au mariage de la flamboyance frôlant l’absurde et de l’absence totale d’ironie ou de retenue… Chose que l’on ne voit presque plus dans la musique moderne.
L’effet Bellamy ou savoir se distinguer des guitaristes chevronnés « hors-mainstream »
De nombreuses critiques tentent d’expliquer la popularité colossale du groupe Muse auprès du grand public, sa qualité « mainstream ». Mais il n’y a aucun mystère au sujet de Matt Bellamy; il est en notre sens un vrai « guitar hero », un musicien tout à fait impressionnant – et il n’en pleut pas dans la musique populaire, à l’heure actuelle. Il joue de la guitare en dépassant les limites physiques du guitariste moyen. C’est inspirant.
Bien sûr, il y a les Marnie Stern, Johnny Greenwood et Avi Zahner-Isenberg (d’Avi Buffalo) qui sont d’excellents guitaristes et qui se dégagent aussi du peloton. Ce sont des musiciens doués, mais ils ne sont pas « superambitieux », ce ne sont pas des « guitar heroes » de l’ère moderne.
Les ados guitaristes ne passeront pas un week-end entier, pénible, en solitaire à tenter de jouer « Transformer » à s’en faire saigner les doigts…
Le « guitar hero » est mort, vive le « guitar hero »!
Certains guitaristes de rock indie sont de l’avis que la guitare électrique devrait être « forte et grisante », qu’il ne devrait pas s’agir nécessairement d’enchaîner « le plus de notes possible ». En fait, ces notes qui fusent des doigts du guitariste agile (ou survolté!) peuvent être drôlement grisantes, comme quiconque s’est déjà amusé à faire du « air guitar » en écoutant le(s) solo(s) de « Paranoid Android » de Radiohead en témoignera.
Voilà pourquoi nous disons mais où sont donc passés les « guitar heroes »?
Que les guitaristes modernes nous donnent de la virtuosité, de l’excès, des solos bourrés d’émotion à la Gimour et Hendrix, de la surexcitation, des flashes! Oui, donnez-nous des arpèges à profusion… des modes lydiens, des « humbuckers »… des « scalloped necks », des pédales « flanger »… des milliers de câbles branchés dans des « Superfuzz Mig Muff »…!
Que le retour du « guitar hero » survienne.
Et non, cher ami chanteur de Les Savy Fav, un microphone ne peut remplacer la guitare…, bien que vous soyez évidemment un « micro hero ».
Et vous amis et lecteurs guitaristes, qui sont vos « guitar heroes » modernes favoris?