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La recrudescence des guitares vintage de collection
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Cela ne fait aucun doute, l’achat d’une guitare vintage en bonne condition est le plus souvent synonyme d’investissement judicieux. Par exemple, selon le modèle, certaines guitares Les Paul peuvent actuellement se vendre à un prix surpassant les 200 000 euros – tandis que des Telecaster peuvent être vendues jusqu’à80 000 euros dans le marché actuel. En fait, de façon générale, certaines des guitares vintage des années 60 les plus populaires peuvent valoir jusqu’à 20 000 euros présentement… Mais quand on y réfléchit, pour nos parents ou amis faisant partie de la génération des « baby-boomers », un instrument comme la guitare représente cette époque de leur jeunesse où les économies issues de quelques mois de salaire permettaient de se procurer des années de plaisir sous la forme d’une guitare. Et aujourd’hui, des décennies plus tard, des grattes ayant appartenu à des légendes de la chanson et de la guitare, des icônes tels qu’Eric Clapton et George Harrison, peuvent être vendues en enchères à des prix frôlant respectivement le million de dollars US et 600 000 $ US.
Comment une telle recrudescence est-elle possible – et qu’est-ce qui caractérise les guitares vintages dites de collection?
Les guitares vintage au XXIe siècle : instruments adulés, suivis, surveillés
Instruments fétiches, les guitares vintage, des objets de collection – certaines ayant été l’instrument de prédilection de guitaristes légendaires –, ne sont plus, à l’heure actuelle, des items à valeur stable. En effet, ces dernières années, avec le passage au XXIe siècle, leur valeur a en effet entamé une croissance fulgurante. Par exemple, comme l’indiquent les auteurs du « Guitar Price Guide » du « Vintage Guitar Magazine », le prix demandé des 100 guitares vintage les plus recherchées a augmenté de 29 % entre 2007 et 2013.
Bien que les objets de collection avec du « celebrity cachet » aient toujours été des objets recherchés sur le marché aux enchères, la vente de « Blackie » et celle d’une guitare du feu « quiet Beatle » auront amené, depuis 2004, les acteurs du secteur à surveiller davantage la valeur des instruments à frettes dits vintage. C’est que, dans le marché aux enchères, les guitares n’avaient pas retenu énormément l’attention de ceux-ci depuis très longtemps, mais qu’un intérêt accru pour celles-ci a été observé depuis les années 80, selon Kerry K., le directeur de service de Christie’s (une importante maison de ventes aux enchères) de New York. Les spécialistes de l’industrie se sont entendus pour dire que la raison principale pour laquelle les guitares vintage étaient maintenant si recherchées est que l’instrument à cordes a été « mis au point » vers la moitié du XXe siècle; aucune amélioration significative au niveau du son ou du design de la guitare sont à venir.
Selon Kerry, les « belles années » de la fabrication de guitares en Amérique auraient été les années 30 et 40, puis les années 50 et 60 pour la guitare électrique : aucun avancement majeur n’aurait eu lieu dans le domaine de la lutherie depuis, et aucun ne serait à prévoir non plus. Et tout comme les musiciens demandent à cor et à cri les violoncelles italiens issus des XVIIe et XVIIIe siècles, on croit que, dans une centaine d’années, les guitares américaines de la moitié du XXe siècle seront autant recherchées.
Les guitares vintage – l’amour qui dure; la valeur qui croît
Les musiciens sérieux et les amoureux de la guitare, ainsi que ces « boomers » qui tendent à chantonner et jouer de l’« air guitar » quand on ne les observe pas, savent bien que le « charme » d’une guitare ne fait que grandir avec le temps. Et cela se traduit chez les collectionneurs une bonne stratégie d’investissement. En 2005, Stan J., un professionnel de la firme américaine Mandolin Brothers Ltd. affirmait : « Nous n’avons jamais vu les prix croître aussi rapidement que ces trois ou quatre dernières années; chaque mois, nous nous étonnons en apprenant qu’un instrument est mis en vente à un prix dépassant nos prévisions… Par exemple, une Stratocaster Sunburst de 1959 de Fender avec une touche « slab » coûtait à l’origine autour de 190 euros, mais dès 1997, elle avait une valeur entre 6 100 euros et 6 850 euros. Et maintenant, il faudrait débourser près de 12 955 euros pour le même instrument! »
Impressionnant, n’est-ce pas?
Ces dernières années, les collectionneurs de guitares auraient aussi été avantagés par l’imprévisibilité du marché boursier : lorsque la valeur d’un portefeuille demeure stable durant une longue période, tout investissement, conventionnel ou non, peut devenir intéressant, en ce sens qu’il peut fluctuer à la hausse à un moment donné. Ainsi, plusieurs se sont plongés dans l’achat de guitares vintage alors que le marché prenait un dur coup, croyant qu’investir dans un secteur aussi spécialisé les mettrait à l’abri de fluctuations importantes et leur conférerait une stratégie moins risquée. Et selon la plupart, en particulier les collectionneurs au portfolio imposant et varié – au portefeuille équilibré, donc – cette hypothèse a subi le test du temps avec succès.
L’art de l’acquisition vintage
Alors, qu’elle serait la définition de « guitare vintage »? Qu’est-ce qui rend ces guitares si uniques?
Les guitares vintage de collection sont des instruments de plus de 25 ans qui ont une place toute spéciale dans le cœur et la tête des guitarophiles… Quelles soient acoustiques, électriques, à corps vide ou plein, c’est davantage leur popularité auprès des musiciens célèbres du passé et actuels qui dicte leur attrait. En d’autres mots, si Jimmy Page, Eric Clapton ou même Steve Vai jouent d’un type de guitare en particulier, alors les collectionneurs désirent posséder cet instrument aussi… Un autre facteur influençant le statut d’une guitare est sa marque, par exemple Di Giorgio, Gibson, Fender, etc. Certains collectionneurs ne recherchent que des guitares de certaines marques en particulier. En outre, la valeur des instruments vintage augmente selon leur rareté. Le travail au niveau de la fabrication et la qualité du son de la guitare sont d’autres facteurs qui déterminent la valeur des grattes vintage – dont leur valeur « sentimentale » chez le public, et leur valeur réelle. Pour les connaisseurs, la condition ainsi que l’apparence (le design, le fini et la couleur) de plusieurs guitares vintage en font de véritables œuvres d’art à chérir et préserver. Mais sans leur attrait subjectif, sans cet aspect « romantique », ces instruments ne seraient que des vieux instruments ayant peu de valeur dans le marché de revente.
Selon le spécialiste américain Jay S., le terme « vintage » implique qu’un instrument soit « d’une bonne période, issu d’une période durant laquelle des matériaux et des techniques employés pour sa fabrication n’ont plus été utilisés après ce temps, ou une guitare dont la production date d’une période précédant un changement majeur au sein d’un fabricant. » Par exemple, lorsque Leo Fender, l’inventeur de la guitare électrique moderne, a venduFender Musical Instruments à CBS en 1963, son départ de la compagnie aurait, selon certains, sonné le glas de son entreprise. Aujourd’hui, les guitares Telecaster et Stratocaster de Fender fabriquées avant l’acquisition de l’entreprise par Columbia Broadcasting System demeurent grandement recherchées, et le prix demandé pour ces instruments est dans les cinq chiffres… Un changement semblable a eu lieu chez C.F. Martin & Co., une entreprise de Pennsylvanie – et le fabricant de la D-28, probablement la guitare acoustique la plus populaire de tous les temps. Depuis 1969, l’entreprise ne peut utiliser le bois de rose brésilien comme « bois standard » pour la fabrication de ses guitares, et bien que la production de l’entreprise ait augmenté considérablement pendant les années 70, plusieurs collectionneurs de guitares voient les Martin de cette époque de transition comme étant de qualité plus ou moins inférieure.
Il est intéressant de voir que ce sont les guitares électriques qui détiennent la plupart du marché des guitares vintage, mais cela sans toutefois empêcher la guitare acoustique d’occuper une importante part du marché également. La lutte restera à surveiller dans les prochaines années; nous verrons bien quel type de guitare sera en pôle position en termes de « part du marché »…
La « guitare vintage » en bref
Gibson, Fender, Guild, Gretsch et Martin sont connues comme étant les entreprises et marques sortant le plus du lot aux États-Unis, et les collectionneurs s’entendent pour dire que, pour chacune d’entre elles, les guitares produites furent de qualité supérieure à un moment donné dans l’histoire. Mais comme mentionné plus haut, la marque n’est pas le seul facteur servant à déterminer la valeur d’une guitare. Rappelons que les autres sont : la provenance ou la chaîne de propriétaires, la rareté et la condition. À ces facteurs ajoutons la « mode ».
La Gibson Les Paul
Par exemple, les amateurs de guitares électriques verraient une Les Paul Standard de Gibson de la fin des années 50 comme le Saint-Graal. À l’origine, la guitare se vendait environ 200 euros, mais son prix a par la suite grandement varié, allant de 26 650 euros à 45 700 euros, et plus tard 190 400 euros. Sa rareté se traduit en « désirabilité » – seulement 1500 Les Paul Standard ont été fabriquées au cours des années 50 (de 1958 à 1960 plus précisément). Ce modèle comporte également le dernier avancé technologique important : deux rangées de micros « humbucking ». Et, évidemment, il y a le « look » de la guitare venant rajouter à son attrait. Le dessus en érable et le magnifique fini « cherry sunburst » fait de la Les Paul une guitare typiquement « cool ».
Le cas D’Angelico
La rareté est aussi le facteur dictant la demande pour les guitares D’Angelico. John D’Angelico était un luthier d’origine italienne établi dans la « Big Apple ». Celui-ci y a fabriqué 1164 guitares entre 1932 et 1964. Considérées comme le « nec plus ultra » des guitares « archtop », ses guitares peuvent aujourd’hui se vendre, aux enchères, à un prix aussi imposant que 60 000 euros.
Au bric-à-brac, les brico-grattes?
Ce que les collectionneurs évitent, ce sont les guitares aux parties non-originales, même si elles sont vintage. Mais les guitaristes et « rockeurs » ayant l’habitude de modifier leurs instruments afin d’obtenir certains effets sonores, collectionneurs néophytes, prenez donc garde.
« Le plus important, c’est de faire confiance au vendeur », a fait remarquer Vincent J., propriétaire d’un commerce de vente de guitares à Paris. Il est aussi bon de savoir que certains commerces proposent des évaluations rédigées sur place afin de vérifier minutieusement l’intégrité d’un instrument et de soulever toute réparation qui devrait être effectuée; c’est une étape à ne pas négliger dans certains cas.
Dear prudence
Selon le premier dirigeant et président de Gibson, Henry J., les nouveaux collectionneurs devraient être prudents et rechercher les instruments de qualité « high-profile », par exemple les Gibson ES-335 ou une Martin D-28 des années 30, bien connues dans le marché et facilement identifiables. Mais ceux-ci doivent également se méfier des guitares de contrefaçons, car il y en a sur le marché. L’homme s’est expliqué sur le sujet : « Parce que les instruments n’ont pas été traités comme de l’art en tant que tel, il n’y a aucune infrastructure qui maintient et assure l’intégrité d’un instrument dans le secteur. La meilleure façon d’en vérifier l’authenticité, dit-il, c’est de connaitre l’identité des propriétaires ou responsables précédents. »
Les guitares vintage au nom d’or
Bien sûr, à toute règle il y a une exception, par exemple « Blackie », la guitare d’Eric Clapton, que ce dernier a personnalisé sans toutefois influencer la valeur de l’instrument célèbre. C’est ici que le désir « d’imiter » une idole entre en ligne de compte. Bon nombre de collectionneurs ont acheté chacune des guitares composant (ou ayant fait partie de) leur collection parce qu’un artiste qu’ils admirent en ont joué… Il en est de même pour les grands de la guitare : Eric Clapton aurait acheté sa première Les Paul après avoir vu la légende du blues Freddie King interpréter un de ses succès avec une « gold-top »…
Contrairement aux vases de céramique chinoise par exemple, les guitares vintage sont de ces objets de collection avec lesquels ont peut s’amuser sans craindre de les endommager ou d’influencer leur valeur. En fait,les guitares sonnent de mieux en mieux avec le temps, au fur et à mesure que le bois vieillit . Mais il y a un « mais » important – tous les collectionneurs vous le diront : le plus difficile, lorsque l’on investit dans une guitare vintage, c’est de savoir dès le départ que, pour que celle-ci rapporte, il vous faudra un jour laisser partir cet instrument pour lequel on développera un amour profond…
Et revendre une de ses guitares est plus facile à dire qu’à faire. Certains collectionneurs se défont d’objets de plus grande valeur que leurs guitares bien-aimées avant de vendre ces dernières. Après tout, qui peut jouer d’un tableau ou d’une gravure?