Juin29
Mark Knopfler – « l’homme tranquille du rock ‘n’ roll »
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C’est une histoire de musiciens insouciants, loin des clameurs du public, qui rêvent de gloire et de fraternité sous les néons d’une petite scène de bar londonien. Ce soir-là, Mark Knopfler est dans la salle et les voit de ses propres yeux, ces amoureux de la nuit. Ils sont peut-être médiocres, mais peu importe. Ils y croient dur comme fer.
À la fin du spectacle, ils lancent au public clairsemé « We are the sultans of swing », sans un brin d’ironie. La phrase résonne pour eux comme un hymne au jazz dilettante. Mark en fera une chanson qui résonnera pour nous comme l’emblème de toute une génération.
Sur les pas d’un géant
L’histoire de Knopfler débute en 1977. Elle se terminera 18 ans plus tard, avec plus de 120 millions d’albums vendus. Une marque de fabrique unique. Un style mélodique pour un doigté vif qui fait claquer la corde et vibrer nos oreilles : le finger-picking revisité spécialement pour la Stratocaster.
Né à Glasgow en 1949, c’est pourtant à Newcastle que Mark Knopfler découvre ses premières notes de blues, auprès de son oncle Kingsley. Déjà, le son éraillé de l’harmonica et le swing du boogie-woogie touchent profondément le jeune homme. Un goût précoce qui préfigure les belles années à venir. À l’époque, il écume les magasins de guitare de la ville. Il les connaît par cœur. Puis il nourrit une profonde admiration pour le guitariste des Shadows, Hank Marvin, l’idole incontestée aujourd’hui des papys du Rock n’ Roll. La fascinationest grande, très grande. Monsieur veut la même guitare, une Fender Stratocaster couleur Fiesta Red, popularisée par Hank Marvin lui-même. Mais pas de chance, l’apprenti musicien devra se contenter d’une Hofner Super Solid (voir photo ci-dessus), offerte par son père.
Il faut bien gagner sa vie pour toucher de belles guitares…
Alors, jeune adulte, il devient reporter pour un journal local de la ville de Leeds. Petit journaliste musical, il vit modestement, mais continue de s’exercer chez lui, sans ampli. Un jour, il rencontre un certain Steve Philips, avec qui il fonde « The Duolian String Picker », duo gentillet de country blues. L’alchimie fonctionne pendant un temps et Knopfler perfectionne sa technique.
Une entrée fracassante
Puis un jour, il décide de tout arrêter. Fini le journalisme, place a la musique : le jeune Knopfler part à Londres pour tenter de se frayer un chemin parmi les méandres du Rock n’Roll londonien.
Les années de galère ne font que commencer. Avec son frère David se dessinent les prémices du groupe à venir, sous le nom des « Café Racers ». Aussitôt, ils rencontrent John Illsley, futur bassiste, puis plus tard, Pick Withers, un batteur surdoué que Knopfler a fréquenté dans sa jeunesse. Leur situation financière est souvent « périlleuse » (« in dire straits » en anglais), mais nos quatre amis ont bonne réputation dans les pubs. Le gout prononcé de Knopfler pour l’écriture et la composition se concrétise enfin.
Il faut dire qu’il a du talent. Beaucoup de talent. Presque trop… Les premiers enregistrements ont lieu en 1977. Parmi les cinq titres proposés, le fameux « Sultans of Swing » se démarque des autres. Et lorsqu’il est diffusé lors de l’émission Honky Tonk, c’est tout de suite l’effervescence. La société Phonogram les engage de suite pour cinq albums et c’est le début d’une longue histoire.
La recette est simple, sans artifice : pour écrire, Mark puise dans son expérience, parmi les images de sa vie, parmi les anecdotes de comptoirs. Il s’imprègne du monde… Puis ça y est, il tient enfin entre ses mains la guitare qui l’a fait rêver gosse, la fameuse Fender Stratocaster.
Un style inimitable
Loin des riffs saturés de l’époque, il développe son propre style, un peu bâtard certes, mais monsieur fait dans la dentelle. Du son clair, avec un peu de Crunch, mais surtout un doigté singulier. Une étrange alchimie s’opère. Résultat d’un beau croisement entre la sobriété déconcertante d’un Chet Atkins et le phrasé expressif, presque dissonant d’un Bob Dylan.
Que dire de la technique presque indéchiffrable de sa main droite? Autant avouer qu’on l’a tous un peu analysée, sans vraiment en comprendre le secret. Produit d’un subtil mélange de chicken-picking, (dérive dufinger-picking, qui demande d’aller chercher en saut de cordes, une corde plus éloignée avec un seul doigt), et de clawhammer, (technique complexe, utilisée principalement pour le Banjo), Mark claque les cordes avec la pulpe du pouce, de l’index et du majeur rendant ainsi ce son cristallin et chaleureux.
Gaucher, il joue comme un droitier, alternant de puissants bends avec de belles « dead notes».
Dans cette vidéo, Mark Knopfler enseigne comment jouer le riff de “Money For Nothing” :
L’apothéose de Knopfler
Le succès du premier album est retentissant et il se place à la 4e place des charts britanniques.
Alors, en 1978, Mark et ses acolytes en remettent une couche avec l’album « Communique » et son single, « Lady Writer », toujours aussi convaincants. Puis l’heureux ménage à quatre continue avec l’album suivant, « Making Movies », sorti en 1980 suivit de « Love Over Gold » en 1982. À chaque fois, la recette est ancestrale : elle vient d’un blues archaïque, mais qui a son charme, dans lequel une phrase chantée est égale à une phrase musicale, comme dans un jeu de questions/réponses.
Leur plus grand succès reste sans aucun doute, « Brothers in Arms » sorti en 1985. La pochette en met plein la vue. Derrière un ciel bleuté, la fameuse guitare « National Style O » de 1937, se dévoile, resplendissante. Désormais Mark s’achète de la marque : des Schecter et des Pensa (dont la fameuse Suhr MK1 utilisée pour « Money for Nothing »). L’album s’accompagne d’une tournée monumentale avec plus de 248 concerts dans 117 villes différentes. On se remémore encore le mythique Wembley Arena, et l’entrée-surprise d’Hank Marvin, en plein milieu du concert dans une reprise de « Local Hero ».
Et puis souvenez-vous d’Eric Clapton qui partageait la même scène que Mark en 1988, lors du 70e anniversaire de Nelson Mandela. Quel beau monde réuni rien que pour nos oreilles !
Voici sur la photo de gauche Mark Knopfler, Hank Marvin au centre et Jeff Lynes à droite dans les studios Abbey Road de Londres :
La fin d’un mythe
Malheureusement pour nous, ça ne dure pas longtemps. L’album « On Every Street » sorti en 1991, nous offre encore quelques pépites chaleureusement bluesy, mais marque définitivement la fin d’un mythe.
Si la puissance d’inspiration est toujours au rendez-vous, l’épuisement des tournées successives se fait sentir et les tensions s’accumulent au sein du groupe. Mark est au bout du rouleau. D’ailleurs, la sécession a déjà été engagée un an auparavant avec la création du groupe des Notting Hillbilies. Mark et quelques-uns de ses musiciens chéris (dont le pianiste Guy Fletcher), l’on rejoint pour retourner modestement aux racines de la country. Tandis que les belles images de la tournée « On the Night » de 1993 annoncent les derniers pas de Dire Straits, avant la séparation finale de 1995.
Heureusement, Mark n’en restera pas là. Le seul album et les quelques concerts des Notting Hillbilies ne lui suffiront pas. Il entame une carrière solo avec sa belle Gibson, une « Les Paul » 59, tantôt Reissue, tantôt standard.
Les albums se succèdent avec « Golden Heart » en 1996, « Sailling to Philadelphia » en 2000, « Shangri-La » en 2004 (Mark s’essaye à une Danelectro Silverstone Hornet), ou encore « All the Roadrunning » en 2006, coréalisé avec la chanteuse Emmylou Harris et joué avec une Gretsch de 1957. Les aficionados d’antan cracheront dans la soupe.
Le dynamisme n’est certes plus au rendez-vous, mais la musicalité demeure et le vieux lion ne manque pas d’expérience. Plus récemment encore, il a composé l’album « Privateering » en 2011 et a débuté sa tournée au printemps 2013.
Notons que Mark Knopfler sera en tête d’affiche du festival Guitare en Scène, du 19 au 22 juillet prochain. En ce qui nous concerne, nous terminerons sur ces quelques notes lumineuses et débordantes de nostalgie. Taisons-nous et écoutons la voie de la sagesse… « These mist covered mountains, are a home now for me… ».